L'art par Michel Onfray, extrait de "Politique du rebelle"

L'art demeure l'un des rares domaines où l'individu peut théoriquement donner sa pleine dimension, quelles que soient l'époque, l'histoire ou la géographie. Par lui restent des traces en lutte à armes égales avec le temps, sinon avec ce qui dure en de lointaines poussées, dans les sous-sols où se préparent les vitalités à venir. Or, tous les régimes, tous les pouvoirs politiques savent ce lieu stratégique et veulent le confiner, maîtriser, limiter, contenir, voire le contrôler radicalement. Certains utopistes aspiraient purement et simplement au bannissement des poètes de la cité, d'autres à leur inféodation franche et nette; ailleurs on confondait la fin de l'histoire avec la fin de l'art, d'où la réalisation de la digestion définitive des artistes par le corps social. (...)

Artistes les familiers du non  quand sont domestiques les autres qui disent oui. (...)

La Boétie avait raison de suspecter toute autorité, par principe, sur le prétexte, fondé, qu'elle peut être négative à tout moment, et donc toujours dangeureuse, sinon en acte du moins en puissance.(...)

La folie des artistes s'oppose au sérieux de ceux qui investissent la politique avec morgue: d'un côté l'esthétique et l'aspiration au sublime, de l'autre la revendication, sous couvert de scientificité, de prétendues vérités toutes utiles à la cristallisation et à la solidification des mensonges de groupe, voilà les termes de l'alternative.(...) Le désir de l'acteur politique vise la fin de toute vie en une forme figée dans la raideur du cadavre; celui de l'artiste tend vers une perpétuelle dynamique informée par la vie, le mouvement, le changement, la force en acte. (...)

La politisation de l'art est la pire des choses pour les artistes d'abord, et leur public ensuite. Dans un monde totalitaire, les artistes meurent et leur disparition signe et avalise l'avènement des publicistes, des propagandistes et autres metteurs en scène de vérités nécessaires au grégarisme du moment.

Ni esthétisation de la politique, ni politisation de l'art: j'aspire à l'émergence, la formulation et la pratique d'une esthétique généralisée (...).

On mésestime vraisemblablement les conséquences de l'usage bourgeois de la culture ou de sa dévirilisation par le marché. (...)

 

L'humour tient un rôle dynamique et l'on pourrait, dans tous les domaines, suivre le trajet des philosophes ou des artistes, des écrivains ou des musiciens qui mettent haut le rire dans leur oeuvre: ils constituent une famille épanouie dans un archipel de libertés.

 

 

 

 

 

  Michel Onfray, extrait de Politique du rebelle, traité de résistance et d'insoumission

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :